" Le cheval de labour "
Index
1. Généralités
2. Description du réacteur
2.1. Le coeur
2.2. Le circuit primaire
2.4. Contrôle et sûreté
Centrale de Cruas (07), 4 réacteurs de 900MW |
Les premiers réacteurs dits « 900 MWe » construits en France (2 à Fessenheim et 2 à Bugey) sont une réplique du réacteur mis en service par Westinghouse à Beaver Valley en 1976 (signalons que ce réacteur a obtenu le renouvellement de sa licence d'exploitation pour une durée totale de 60 ans soit 20 ans de plus que la licence initiale ; alors que celui de Fessenheim a été arrêté au bout de 40 ans, malgré l’avis favorable de l’ASN !.
Le réacteur 900 MWe est un « 3 boucles ». Il possède 3 circuits d’extraction de l’énergie dégagée dans le cœur (tuyauteries, pompe primaire, générateur de vapeur).
La puissance électrique fournit par ce réacteur varie un peu en fonction des caractéristiques du circuit de refroidissement de la vapeur du circuit secondaire, soit en « cycle ouvert » - l’eau de refroidissement est prélevée dans le fleuve ou dans la mer (Fessenheim, Tricastin, Gravelines) et y est rejetée en totalité - ou bien en cycle « semi-ouvert » - le circuit de refroidissement du circuit secondaire est refroidi par l’air circulant dans les tours de refroidissement (visibles sur la photo), et la quantité d’eau prélevée dans le fleuve est plus faible, limitée à la quantité nécessaire à la compensation du panache de vapeur. Ceci, combiné à différentes améliorations, conduit à une puissance électrique nette entre 880 MWe et 915 MWe.
La robustesse de ce matériel lui a valu le surnom de « cheval de labour ». Ces diverses unités ont été couplées au réseau de 1977 à 1983,
Le cœur du réacteur désigne l’ensemble des composants qui permettent de mettre en œuvre la réaction en chaîne et d’en extraire la chaleur. Il est constitué par la juxtaposition d’un grand nombre de tubes en alliage de zirconium contenant l’uranium. Le « combustible » est formé de cylindres d’oxyde d’uranium d’environ 8 mm de diamètre (appelés “pastilles”) empilés dans chaque tube, formant une colonne de 3.66 mètres pour le 900 MW (soit 12 pieds)(plus long d’environ 600 mm pour les autres REP). Ces tubes (dénommés crayons) sont regroupés dans un faisceau carré (dit assemblage) ayant 289 emplacement (17x17) et comportant 264 crayons et 25 tubes guides, dont l’un est destiné à recevoir l’instrumentation. D’autres crayons spéciaux (rassemblés en 57 grappes de contrôle) peuvent être insérés ou extraits du cœur en fonctionnement pour capter des neutrons et arrêter ou de moduler ainsi la puissance. L’ensemble des crayons et des tubes est disposé pour laisser circuler de l’eau qui en assure le refroidissement mais joue aussi le rôle de modérateur.
Dans un réacteur de 900 MWe, il y a 157 assemblages.
Le réglage de la puissance du réacteur Les premiers réacteurs nucléaires fonctionnaient « en base » : une fois atteint leur pleine puissance, ils ne la quittaient plus. Ceci était possible car l’énergie électrique en provenance des réacteurs nucléaires était proportionnellement faible sur le réseau, et que la nécessaire adaptation de la production à la demande était assurée par d’autres centrales (charbon, fuel, gaz, hydraulique). La France fut le premier pays où ce type d’exploitation n’était plus possible car l’énergie nucléaire y jouait un rôle majeur. Les autres moyens de production devenaient insuffisant pour adapter les variations de puissance (horaires, journalières, saisonnières) nécessaires. EDF et Framatome ont alors développé un mode de pilotage du réacteur au moyen de grappes de réglage, afin de répondre aux besoins du réseau. Son principe consiste à insérer ou retirer du cœur un certain nombre de grappes suivant la puissance désirée. Toutefois, l’introduction de grappes absorbantes dans le cœur déforme significativement le flux neutronique, pouvant conduire à des « points chauds » ou la puissance linéique dépasse la limite autorisée. Les grappes affectées à ce pilotage, dites « grappes grises » possèdent donc des matériaux moins absorbants (de neutrons) permettant de contrôler la déformation du flux neutronique, mais aussi moins efficaces que ceux des grappes d’arrêt, dites « grappes noires ». Les grappes de contrôle sont donc réparties entre grappes grises (de réglage de puissance) et grappes noires (d’arrêt). |
Le circuit primaire est le circuit « spécifique » d’une centrale nucléaire (les autres circuits s’apparentent à ceux rencontrés sur d’autres centrales thermiques – charbon, fuel, gaz – même si leur niveau de sûreté est plus exigeant). Il renferme le combustible (oxyde d’uranium et/ou de plutonium), siège de la fission source de l’énergie « primaire » dans la centrale ; il transmet l’énergie thermique au circuit secondaire, où est généré la vapeur, entraînant la turbine et l’alternateur générant l’électricité.
L’eau réchauffée lors de la fission nucléaire dans le cœur d’un 900 MWe, passe de 286° C (en entrée) à 273°C (en sortie). Par des orifices de sortie de la cuve, elle est dirigée via les tuyauteries primaires vers les générateurs de vapeur. Elle passe à l’intérieur de tubes repliés en épingle et y cède sa chaleur au circuit secondaire dont elle vaporise l’eau. Elle en ressort à la température de 323°C, est aspirée par les pompes qui la renvoient vers la cuve, en partie basse du cœur.
Il faut mentionner dans ce circuit un composant très particulier : le pressuriseur. Sa fonction est de maintenir une pression constante (155 bars) dans le circuit primaire. En effet, une augmentation de pression solliciterait plus que prévu l’enveloppe du circuit primaire (cuve, tuyauteries, GV) et une diminution de pression favoriserait l’ébullition de l’eau, une chute de sa capacité à évacuer l’énergie du combustible – entrainant un échauffement anormal du combustible - et à transmettre l’énergie au circuit secondaire. Le pressuriseur est l’organe qui assure le contrôle de la pression grâce à un « matelas » de vapeur maintenu en milieu diphasique à l’équilibre (eau-vapeur) Si la pression chute, des cannes chauffantes (appelées aussi chaufferettes) se mettent en service et vaporisent de l’eau, augmentant ainsi la quantité de vapeur et sa pression, donc la pression dans l’ensemble du circuit primaire. À l’inverse, si la pression augmente, des buses d’aspersion reliées à la partie froide (286° C) du circuit primaire, injectent cette eau dans la vapeur la faisant se condenser. La pression chute alors dans le circuit primaire. Le rôle du pressuriseur est particulièrement important lors des transitoires de puissance qui génèrent une variation de température et donc du volume de la masse d’eau du circuit.
À partir des générateurs de vapeur, la vapeur est dirigée vers l’admission à la turbine. Le circuit de production d’énergie est semblable à celui de toute centrale thermique, avec une turbine qui détend la vapeur et récupère son énergie, couplée à un alternateur qui produit l’électricité sous 20 000V. Un transformateur élève sa tension à 400 000V avant son transfert sur le réseau national de transport.
Le turbo-alternateur est une machine tournant à 1500 tours/mn (comme la turbine), afin d’être synchrone avec la fréquence du réseau électrique (50 Hz en France)..
Un poste d’eau soutire l’eau du condenseur situé sous les étages de la turbine, après détente de la vapeur, la réchauffe, puis l’amène à des pompes alimentaires qui la retournent vers les trois générateurs de vapeur. Tous les composants de ce poste d’eau sont redondants pour en garantir la meilleure disponibilité.
La vapeur produite par les générateurs de vapeur est sèche mais pas surchauffée, comme dans d’autres centrales thermiques. Il en résulte que dès les premiers étages de la turbine elle devient humide lorsqu’elle se détend, et qu’il est alors nécessaire de la faire passer dans des sécheurs-réchauffeurs, - dispositifs peu utilisés dans les chaufferies conventionnelles – afin d’éviter l’apparition de gouttelettes d’eau qui pourraient endommager les aubes de la turbine.
Pour régler la puissance fournie par le cœur, un système de contrôle utilise des grappes de commande. Ces grappes (citées dans le paragraphe cœur ci-dessus) sont associées à certains assemblages du cœur (57 sur un 900 MWe,). Elles sont manœuvrées par des mécanismes de commande traversant le couvercle de la cuve. Au moment du chargement du cœur, toutes les grappes sont insérées (position dite barres posées) Après fermeture du couvercle de cuve, les mécanismes de commande vont saisir les barres de commande. Pour démarrer la réaction, on les extrait l’une après l’autre dans un ordre précis, jusqu’à l’obtention du flux de neutrons désiré. En cas d’anomalie, elles rentrent automatiquement dans le cœur, voire même par chute gravitaire en cas d’urgence. La sûreté du réacteur impose de nombreuses dispositions pour parer à de multiples accidents plausibles ou même improbables, d’origine interne ou externe à l’installation.
En matière de sûreté, l’objectif principal du concepteur et de l’exploitant (sous contrôle de l’autorité de sûreté –ASN) est d’empêcher tout relâchement de produits radioactifs dans l’environnement.
Les barrières de confinement
Trois barrières sont interposées entre les matières radioactives (contenues dans le combustible) et l’environnement :
- La gaine du crayon combustible, qui maintient le combustible et les produits de fission dans son enveloppe ;
- Le circuit primaire qui contiendrait les matières radioactives en cas de percement des gaines des crayons combustibles (en cas de fusion de la gaine notamment).
- L’enceinte de confinement étanche : une structure en béton précontraint avec une peau intérieure en acier (pour le 900 MWe) ou structure à double paroi avec espace annulaire.
- Tous les systèmes de sauvegarde sont conçus pour maintenir l’intégrité de ces trois barrières. Il serait trop ambitieux de vouloir les décrire en détails dans cette présentation. Notons qu’ils sont souvent redondants (plusieurs systèmes assurent la même fonction).
La défense en profondeur
La démarche de sûreté mise en œuvre pour garantir l’intégrité des trois barrières de confinement de la radioactivité, et finalement éviter tout relâchement de radioactivité dans l’environnement, est dénommée, la défense en profondeur. Elle implique, notamment :
- Une conception avec des codes éprouvés prévoyant des marges, une réalisation des équipements selon des règles de fabrication et de contrôles également validées, et des conditions de fonctionnement en exploitation rigoureusement définies.
- L’ensemble des mesures pour protéger les populations en cas d’échec des niveaux de sûreté précédents : plan d’urgence interne (PUI) mis en œuvre par l’exploitant, et le plan d’intervention particulier (PPI) mis en œuvre par la préfecture en cas de risque pouvant affecter la population.
Ce concept de défense en profondeur est appliqué à tous les équipements participants à la sûreté du réacteur.
Par exemple :
- Pour maintenir l’intégrité de la gaine du combustible, il convient en cas d’urgence d’arrêter la réaction nucléaire (la fission). Pour cela, les grappes d’arrêt vont chuter automatiquement dans le cœur (en 3 secondes environ), pour absorber les neutrons et stopper la fission.
- Si malgré cela, la température de l’eau du circuit primaire continue d’augmenter, un système d’injection de sécurité décharge automatiquement de l’eau fortement borée capable d’absorber les neutrons;
- Si malgré cela la pression dans le circuit primaire augmente et peut menacer son intégrité, des vannes de décharge, situées en aval du pressuriseur, vont envoyer la vapeur ou l’eau du circuit primaire dans un réservoir annexe permettent d’évacuer le surplus de volume et de faire chuter la pression ;
- Si malgré cela de l’eau du circuit primaire est relâchée dans l’enceinte de confinement et se vaporise, un système d’aspersion de l’enceinte permet de condenser la vapeur qui se serait formée afin de maintenir sa pression à une valeur inférieure à la pression de conception ;
- Si malgré cela, les gaines du combustible fortement échauffées ont réagi avec l’eau et génèrent de l’hydrogène avec un risque d’explosion, des condenseurs d’hydrogène sont situés dans l’enceinte de confinement pour recombiner l’hydrogène en eau (équipements absents à Fukushima mais présents sur tous les réacteurs français).
- Un filtre à sable est également prévu pour filtrer les effluents gazeux qui se seraient accumulés dans l’enceinte de confinement, au cas où il serait nécessaire d’en limiter la pression.
- Etc.
Il y a beaucoup d’autres exigences auxquels répondent les systèmes de sauvegarde, mais trop nombreux pour être détaillés ici.
Rappelons néanmoins que les seul accident majeur ayant affecté un REP (Three Miles Island – 1979), a entraîné la perte du réacteur mais pas de relâchement de radioactivité dans l’environnement. C’est sans doute une des raisons qui font que les nouveaux projets industriels sont presque tous de type REP, hors projets expérimentaux.
02/2021