Le «  paquet » de mesures proposées par Bruxelles

(20 janvier 2007)

 

 

Le 10 janvier 2007, la Commission européenne a rendu public son paquet intégré de mesures dans le domaine de l'énergie et du changement climatique afin de réduire les émissions pour le XXIème siècle.

On peut consulter ce paquet sur

                   http://ec.europa.eu/energy/energy_policy/index_en.htm

 

Comportant trois grands volets, ce plan a fait l’objet de nombreux commentaires dans la presse, souvent de la part de journalistes n’en ayant pas encore pris connaissance. C’est ainsi que chacun a pu lire, du moins en France, que la Commission prônait le nucléaire et en listait les vertus…des choses étonnantes pour qui suit un peu ces questions, connaît la façon de travailler des services de la Commission ou même plus simplement son rôle en matière d’environnement et de politique énergétique. En effet si elle est effectivement chargée de parler d’une seule voix en matière d’environnement au nom de tous les Etats, de contribuer à la définition des objectifs environnementaux de l’Union et de suivre leur mise en œuvre, elle n’a guère, pour ce qui est de l’énergie, qu’un rôle de spectateur dont les recommandations n’engagent pas les Etats, principe de subsidiarité oblige, et rien n’indique que cela puisse changer dans un avenir prévisible.

 

En recherchant sur le site de l’Union il est facile de prendre connaissance des grandes lignes du plan, aujourd’hui encore à l’état de projet. Ces trois volets sont :

1)     amélioration par la Commission de la concurrence et de la fluidité du marché intérieur de l’énergie : cela signifie pour l’essentiel susciter les énormes investissements qui s'imposent dans le secteur, adopter des actions supplémentaires pour établir une séparation  claire entre la production et la distribution et inciter les Etats à arrêter des  mesures  nationales  permettant  de  réaliser l'objectif fixé (atteindre  un niveau  minimal  d'interconnexion de 10%) .

 

2)     recherche d’un passage plus rapide aux énergies produisant peu de carbone. Cela signifie

a.      maintenir la place de l'UE comme leader mondial dans le domaine des énergies renouvelables, en proposant un objectif contraignant selon lequel 20 % de la palette énergétique globale de l'UE devraient être produits à partir de sources  renouvelables d'ici 2020,

b.      exiger une croissance massive dans chacun des trois secteurs utilisant des énergies renouvelables : l’électricité, les biocarburants et la climatisation. Cet objectif relatif aux énergies renouvelables sera assorti d'un objectif minimal de 10 % pour les biocarburants. Le paquet législatif de 2007 sur les sources d’énergie  renouvelables  comprendra en  outre des  mesures spécifiques destinées à faciliter la  pénétration  sur le marc des biocarburants et des systèmes de chauffage et de refroidissement exploitant des sources d'énergie renouvelables

c.      placer -grâce à un soutien accru à la recherche- les entreprises de l’UE en position de pointe dans le secteur des technologies produisant  peu de carbone.

d.      enfin, la Commission souligne que c'est à chaque État membre qu'appartient la décision de recourir ou non à l'électricité nucléaire qui représente   actuellement   14 %   de   la   consommation éner- gétique de l’Union européenne et 30 % de son électricité. Pour les pays qui ont prévu de réduire la part de leur énergie  nucléaire,  la  Commission  recommande  de  compenser  cette réduction en  introduisant d'autres sources d'énergie produisant peu de carbone, sous peine de rendre encore plus difficile la réalisation de l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

 

3)     rechercher l'efficacité énergétique : c’est la réaffirmation par la  Commission de l'objectif  d'économiser  20 %  de  la  consommation  totale d'énergie primaire d'ici à 2020 : la Commission propose d'accélérer l'utilisation de véhicules sobres en carburant pour les transports, d'adopter des normes plus strictes et un meilleur étiquetage pour les appareils, d'accroître le rendement énergétique des bâtiments existants de l'UE et d'améliorer l'efficacité des systèmes  de chauffage ainsi que la production, le transport et la distribution d'électricité ; la Commission propose également un nouvel accord international sur l'efficacité énergétique -suite de l’accord actuel dit de Kyoto-, l’Union  européenne  ne pouvant pas  réaliser à elle seule ses objectifs en  matière d'énergie et de changement climatique et ayant besoin de collaborer avec les pays développés et en développement,  de même qu'avec les  consommateurs et les producteurs d'énergie.

 

Au total un plan certes cohérent et complet mais ni révolutionnaire, ni ambitieux, étant en retrait sur certains points par rapport à ce qui était attendu (-20% d’içi 2020 par exemple).

 

L’Allemagne et la France ont déjà indiqué leur complet refus de séparer production et distribution, l’Italie qui avait jadis accepté l’objectif de 30% de réduction semble vouloir maintenant contester un objectif de 20% pourtant moins ambitieux. .

 

Greenpeace n’a pas même pris 24h pour rejeter le « pot-pourri » de la Commission.

 

Quant au nucléaire, il y a tout juste une inflexion, pas de réel soutien mais la reconnaissance de quelques faits, semble-t-il gênants pour certains, comme un coût de production parmi les moins chers, la quasi absence de rejets de gaz à effet de serre (15kg de CO2éq par Mwh contre 440 pour le gaz, 500 pour le pétrole et environ 800 pour le charbon), une faible sensibilité du coût du kwh à celui de l’uranium.

 

La Commission souligne incidemment la nécessité d’améliorer l’opinion du public à son égard et ne suggère pas à l’Allemagne, à la Belgique ou à l’Espagne de reconsidérer leur choix d’abandonner le nucléaire, mais simplement de compenser la perte de production à laquelle ces abandons conduisent par d’autres sources d’énergie produisant peu de carbone : au vu des chiffres rappelés ci-dessus, il est permis de s’interroger sur la nature de cette énergie miraculeuse produisant aussi peu de carbone.

 

Par ailleurs, sauf erreur, la Commission fait référence pour les transports routiers au pétrole, au gaz, au bio-fuel ou à l’éthanol mais jamais à l’électricité….crainte sans doute que les batteries ne doivent être rechargées de nuit par de l’électricité d’origine nucléaire.

 

Pour terminer sur une impression plus positive on notera quand même que la Commission

- fait le lien entre les réductions des rejets de carbone et l’avenir du nucléaire :  s’il faut réduire les émissions, le nucléaire a un avenir ;

- constate qu’il y a un intérêt économique à maintenir le leadership européen dans ces technologies, étant donné que le recours au nucléaire a des chances de se développer dans le reste du monde.

 

Etant donné la position des gouvernements allemand, italien, espagnol, belge autrichien et autres, il était sans doute impossible à la Commission d’aller au delà. Chacun pourra donc comprendre que le nucléaire est un mal nécessaire, un pis aller. E tout cas, il sort du placard où il était enfoui.

 

Si donc les défenseurs du nucléaire peuvent être satisfaits, ceux de l’environnement (et nous le sommes tous), pas plus que leurs enfants et petits enfants, ne devraient guère être satisfaits car un objectif de réduction des rejets carbone de 20% d’ici 2020 est notoirement insuffisamment pour espérer atteindre en 2050 la réduction d’un facteur 4 que personne ne semble contester. 

 

Peut-être que dans deux ans, date à laquelle le nouvel accord international pour faire suite à l’actuel accord de Kyoto devrait être entériné, les esprits auront encore évolué et qu’un objectif de 30% pourra être accepté au prix d’un recours plus affirmé  au nucléaire.