Politique énergétique : l’avenir pour certains… le court terme pour d’autres (27 novembre 2011)

Ça y est, le sept milliardième terrien est né ! La presse s’en est fait abondamment l’écho : l’évènement était attendu pour le 31octobre. On évoque pour 2050 le chiffre de 8 à 11 milliards mais la prévision est plus vague (6 à 15 milliards) pour 2100.

Les statisticiens s’accordent à dire que cet enfant est né dans un pays du Sud, en voie de développement. C’est une chance pour lui : même si la vie peut y être actuellement difficile pour lui, l’avenir lui est très prometteur, beaucoup plus qu’au Nord où l’enthousiasme à disparu, où la peur du risque prévaut et où le chômage et la paupérisation se développent : en Europe comme aux Etats-Unis, les outils de travail sont en effets devenus moins performants et, pour maintenir leur niveau de vie, la plupart des habitants se cramponnent à des avantages acquis que bientôt les pays ne pourront plus leur assurer, sauf à obérer encore plus les prochaines générations.

7 milliards ! Un tel nombre représente un réel défi à tous points de vue : augmentation du niveau de vie pour beaucoup, accès aux ressources naturelles (eau tout d’abord) et alimentaires sans oublier bien sûr la disposition d’énergie, celle-ci conditionnant de plus en plus les modes de vie.

L’avenir pour ce nouveau terrien sera donc fait de plus d’énergie, beaucoup plus d’énergie renouvelable qu’aujourd’hui (solaire et éolien), moins d’énergies fossiles (pétrole sans aucun doute, gaz peut-être, mais sans doute plus de charbon), plus d’énergie propre (hydraulique et nucléaire) et d’une plus grande protection de l’environnement : il y a beaucoup à faire dans chacun de ces domaines.

Les pays du Nord, devront avant tout privilégier les économies d’énergies, c’est moins jouissif mais essentiel; ils n’en prennent cependant guère le chemin aujourd’hui, mêmes les plus vertueux : les espoirs placés par les pays européens dans les engagements de Kyoto se sont avérés ni équitables, ni efficaces, les attentes de Copenhague ne sont plus qu’un lointain souvenir déçu de sorte que, sauf miracle prochain à Durban, au Nord comme au Sud, la protection de l’environnement et du climat reste un rêve glissant, d’année en année. L’année 2010 a affiché un niveau record de concentration de CO2 dans l’atmosphère. Qui, dans ces circonstances, peut encore espérer voir limiter à 450 ppm la teneur en carbone de l’atmosphère ou à 2°C le réchauffement moyen de la planète ?

Comment aller vers un monde meilleur pour tous, y compris pour les générations futures ?

Il convient avant tout, semble-t-il, de faire face aux faits, à la réalité sans se laisser obnubiler par les utopies, emporter par les chimères ou se laisser guider par des émotions comme c’est particulièrement le cas actuellement en France. La France est encore capable de défendre des idées générales ou généreuses, de montrer un chemin ou de faire de l’incantation, mais elle ne peut pas, seule, entraîner le mouvement. Pour autant, elle n’a pas à sacrifier, sans réfléchir, ses atouts pour suivre une mode dogmatique. Non, nucléaire et renouvelable ne s’excluent pas comme on nous le serine tous les jours.

Il serait imprudent de tout miser sur les économies d’énergie, tout parier sur le développement des renouvelables et suicidaire de remiser un nucléaire dont les qualités techniques et économiques sont reconnues et dont la sûreté peut encore être améliorée.

Les secousses, comme celles décidées récemment en Allemagne, ne constituent en rien un exemple à suivre : Fukushima n’y a été que le prétexte pour confirmer la fin du nucléaire engagée il y a plus de 20 ans, recourir à un charbon toujours pléthorique et au gaz déversé par la Russie, en attendant la poursuite du développement des énergies renouvelables et sans trop se soucier des émissions de gaz à effet de serre ni de l’indépendance énergétique.

Si le romantisme conduit à condamner le nucléaire, la raison au contraire conduit à l’améliorer, le rendre encore plus rigoureux et plus sûr. Mieux vaut donc, en ce domaine, suivre l’exemple chinois que l’exemple allemand !

Croire par ailleurs, comme certains le prétendent, que sortir du nucléaire est la solution pour sortir de la crise que traverse nos sociétés relève au mieux d’une illusion au pire d’une tromperie : déjà confrontés à des dettes publiques abyssales, une crise aux multiples facettes (chômage en hausse, croissance en berne, prix des énergies en hausse, …) les sociétés actuelles ne peuvent pas :

Quand l’Europe est en crise, quand l’euro est au bord de l’explosion, quand le climat se dérègle, quand le chômage augmente, l’arrêt de l’industrie nucléaire, là où elle marche bien, a-t-il un sens ?

Qui peut croire que réduire de façon arbitraire la part de l’électricité nucléaire en France, en tournant le dos prématurément à des réacteurs sûrs conduirait :

Sans éviter de surcroit :

Plutôt qu’une vindicte, sans nuance, jetée au principal mode de production d’électricité en France, ce dont le pays a besoin c’est d’un débat global sur la question de l’énergie, toutes les énergies, pour les trente ou cinquante prochaines années.

Est-il possible de mener à bien une telle réflexion ? Dans un esprit démocratique, dans la transparence, avec honnêteté ou sans dogmatisme ou idéologie ?

Outre l’exportation de futurs de réacteurs de génération IV déjà évoquée, enfin pourquoi, s’il est permis de rêver un peu, la France ne pourrait-elle pas développer sa production d’électricité nucléaire au-delà de ses stricts besoins propres pour exporter son excédent, créer ainsi de l’emploi et rééquilibrer sa balance commerciale, tout en permettant à ses clients d’éviter de brûler du gaz et de rejeter dans l’atmosphère des gaz à effet de serre ? Un marché, à l’évidence, « gagnant – gagnant » dont la simple évocation, par les temps qui courent, ne manquera pas d’être prise comme une provocation.

Bernard Lenail