Fuites dÕuranium dans le Tricastin
(juillet 2008)
Alors quÕon aurait pu penser que les spcialistes nuclaires allaient passer un bel t, les choses nÕen prennent pas le chemin.
Pourtant toutes les nouvelles des derniers mois et semaines semblaient de bon augure: mouvement anglais trs dynamique, revirement italien, inclination du G8 en dpit de lÕhostilit allemande, doutes allemands de plus en plus srieux quant leur choix doctrinaire dÕabandonner le nuclaire, etcÉet enfin annonce du lancement prochain dÕun second EPR en France.
Il aura suffit de plusieurs vnements mineurs mais malheureux pour modifier lÕambiance :
- un enchanement de srieux dysfonctionnements lÕusine SOCATRI de Tricastin (Drme), qui avait dj encouru les critiques de lÕAutorit de Sret Nuclaire dans un pass rcent;
- la dcouverte dÕune fuite ancienne sur une vieille conduite dÕeffluents sur le site de lÕusine FBFC de Romans (Drme) ;
- une lgre contamination dÕune quinzaine dÕemploys de maintenance sur lÕune des centrales EdF de Saint Alban (Isre) ;
- puis la contamination dÕune centaine dÕemploys, lÕoccasion dÕune opration de maintenance sur lÕune des centrales EdF de Tricastin (Drme).
Le tout en moins de 15 jours !
Un observateur attentif ne peut que constater que ces quatre vnements relvent dÕun Ē effet de srie Č trs malencontreux mais sans porte aucune sur lÕenvironnement, les habitants ou les travailleurs : deux sont des vnements classs au niveau 1 dans lÕchelle internationale de gravit, c'est--dire le plus bas, rserv ceux, par dfinition mme, qui sont sans consquence sur lÕhomme ou lÕenvironnement et les deux autres de niveau 0, donc en dessous mme de cette chelle, un niveau propre la France cre par lÕAutorit de Sret Nuclaire seule fin dÕobliger les exploitants de dclarer toute anomalie, mme anodine, mais qui ne fait normalement lÕobjet dÕaucune information publique sauf si lÕAutorit veut faire un peu de zle comme cela arrive parfois.
Cet observateur, sans doute encore naf, sÕest-il dit que cÕtait l dÕexcellentes occasions pour informer, ŌduquerÕ le publicÉet bien non, une fois encore, les exploitants, les autorits comme les spcialistes ont rivalis dÕimprcision, de Ōretard lÕallumageÕ, de technicit, de manque de clart, dÕincomptence en matire dÕinformationÉ tel point que les organisations hostiles au nuclaire ont eu le champ libre pour lancer des ÕinformationsÕ notoirement fausses, grossissant volontairement l'vnement et les risques l o il nÕy en avait pas. Il est vrai que dire des choses justes sans tre lnifiant, intelligentes mais ducatives sans paratre savant est plus difficile que de clamer devant un micro ou une camra de tlvision des invectives et des accusations approximatives ou mensongres. On a dj vu cela au moment du dbat sur les OGM qui a agit le parlement il y a quelques mois et qui a laiss le public totalement non inform ou, pire, bard dÕides fausses ou de prjugs.
Dans cette priode de lÕanne relativement pauvre en vnements, aprs la Coupe dÕEurope de foot ball et en attendant les Jeux Olympiques de Pkin tous les mdias sÕen sont donns cĻur joie pour assurer la promotion des anti-nuclaires avec lÕaide involontaire mais bien relle de lÕindustrie et des autorits. Le nuclaire et ses fuites dÕuranium se sont donc retrouvs avec le Tour de France et ses cas de dopage la Une pour animer le quotidien de nos concitoyens.
Des mdias srieux peu enclins cancaner sur des dtails ou des vnements ayant lieu en province se sont permis de philosopher sur la culture de sret (soulignant le manque de culture) ou sur le rveil du doute ( les croire jamais teint) ou encore sur la sensibilit du public. Une radio nationale a pu organiser une heure de grande coute un dbat sur le thme " Bientt un Tchernobyl en France ? "ÉUn retour en arrire tout fait inattendu et que rien ne justifie.
Bref un gchis et une occasion manque o il aurait t pourtant bien facile de rappeler que lÕuranium est naturel, quÕil y en a partout dans la nature, les roches, lÕeau des fleuves, la mer et mme dans le corps humain. Partout les quantits et les teneurs sont faibles mais quand les volumes considrs sont grands les quantits dÕuranium deviennent leves : par exemple, au droit du site de Tricastin, le Rhne vhicule chaque jour en moyenne prs dÕune tonne dÕuranium, comparer aux quelques 70kg rejets en une nuit dans le sol du site de lÕusine. Pour ne pas exciter les critiques ne citons pas le nombre de tonnes que charrie, chaque mare, le Raz Blanchard au large de lÕusine de retraitement de La Hague.
Loin de nous cependant lÕide de banaliser lÕuranium, de vouloir faire croire quÕil soit bon dÕen consommer tous les jours ou tous les repas, ou de justifier le comportement tout fait inacceptable de SOCATRI, mais il est permis de sÕinterroger : fallait-il rellement inquiter les populations voisines du site alors que personne nÕa jamais pens interdire la pche dans le Rhne ?
Le danger de lÕuranium est plus chimique que radioactif : sa toxicit chimique est plus srieuse que sa toxicit radiologique, or personne le lÕa dit, ne lÕa entendu ou ne lÕa lu au cours des dernires semaines. LÕassociation "Sauvons le climat" a produit un bon document parfaitement accessible, cibl sur les aspects techniques de la nuisance de l'uranium. Les mdias qui abondaient sur le sujet quand, la suite des dernires guerres, il sÕagissait de dfendre les victimes militaires ou civiles de contamination au contact de restes dÕobus et dÕexplosifs contenant de lÕuranium (appauvri) tout aussi toxique que lÕuranium naturel.
Personne nÕa rappel que lÕOrganisation Mondiale de la Sant (OMS) au vu des tudes faites sur les risques de dgradation de la fonction rnale avec lÕabsorption rgulire dÕuranium prsent lÕtat de traces dans certains aliments avait impos, il y a quelques annes, une norme (0,036 mg dÕuranium par jour) trs en dessous comme il se doit des valeurs correspondant au niveau de risque et transpose aux produits alimentaires.
Il est curieux Š alors que les incidents ont eu lieu dans une rgion o les sources dÕeau minrales (radioactives pour la plupart) Š sont lgion que personne nÕait fait de rapprochement entre les teneurs en uranium observes dans certains puits pendant quelques jours et les teneurs releves dans les bouteilles dÕeau minrale les plus populaires de la rgion. Il est vrai quÕaujourdÕhui la radioactivit nÕest plus un argument de promotion.
Areva aurait cependant pu communiquer facilement sur le sujet : en effet pendant de trs longues annes son usine de La Hague nÕaurait jamais pu se permettre de rejeter de lÕeau de Badoit dans sa canalisation de rejet en mer; cÕest moins vrai aujourdÕhui, non que les normes de rejet aient t assouplies ou que la consommation de Badoit ait t interdite sur le site mais tout simplement parce que, comme la plupart des eaux minrales, lÕeau de Badoit respecte maintenant la norme OMS puisque presque toutes les eaux minrales sont dsormais traites (filtration sur catalyseur).
Ceci tant, personne, comme cÕest curieux, ne semble sÕintresser ce que devient lÕuranium ainsi pig dans ces traitements. Y-a-t-il un limier pour sÕintresser la chose ? Que font cet gard les experts indpendants ?
Les promoteurs des vins des Ctes de Tricastin auraient pu, eux-aussi, de leur cot tenter de faire comprendre quelques ordres de grandeur plutt que dÕaccrditer un risque trs hypothtique et de jouer les victimes.
ÉÉ..
Et pendant ce temps lÉ tandis que les anti-nuclaires franais faisaient leur publicit gratuiteÉ Al Gore, lÕex-Vice Prsident US lanait la promotion du nouveau plan de son Ē Alliance pour la Protection du Climat Č. Il rsumait ainsi son discours : Ōil faut mettre fin notre dpendance aux combustibles carbons..Éil faut que dans moins de 10 ans lÕAmrique produise 100% de son lectricit base dÕnergies renouvelables ou de sources dpourvues de carbone. Il aurait t mal venu de sa part de souligner lÕintrt des conomies dÕnergie et il ne lÕa pas fait. Personne nÕattendait non plus quÕil fasse lÕapologie du nuclaire et il ne lÕa pas fait non plus. Non, sans surprise, il sÕest content de faire la promotion du solaire, de lÕolien, de la gothermieÉsans mme citer lÕnergie hydraulique.
Cependant, interrog par des journalistes de lÕagence Associated Press, il a admis Š et ceci est plus surprenant de sa part Š que son plan supposait le maintien 20% de la part du nuclaire dans la production dÕlectricit du pays. Il a aussi recommand un changement radical : lÕadoption des vhicules lectriques batteries recharges en heures creuses. Ce qui constitue implicitement une belle promotion du nuclaire. Al Gore a aussi recommand dÕadopter une taxe carbone et dÕabandonner beaucoup dÕautres impts existants (dont lÕimpt sur le revenu). CÕest l encore de quoi soutenir, sans le dire explicitement, le dveloppement nuclaire... Trop focaliss sur la valle du Rhne les mdias franais nÕont pas relev le discours dÕAl GoreÉles dtracteurs franais de lÕEPR non plus, on sÕen doute.
A quand lÕmergence en France de mouvements non sectaires pour dfendre lÕenvironnement et le climat, mme de faon subliminale ?
Bernard Lenail
Le lecteur
intress trouvera ici le document de lÕassociation "Sauvons
le climat" cit plus haut.
(synthse
PDF) .